Le désinvestissement n’est qu’une étape, pour engager la transition vers des sociétés justes et durables. La question du réinvestissement est tout aussi cruciale.
Par ailleurs, la campagne de désinvestissement ne se substitue pas aux autres approches : blocages d’infrastructures fossiles, sobriété, etc.
350.org travaille à ce que les combustibles fossiles néfastes pour la planète soient remplacés par de l’énergie propre et renouvelable – pas par de l’énergie nucléaire. Malgré des décennies d’intenses subventions publiques, le prix de l’énergie nucléaire reste bien trop élevé, notamment à cause des potentielles catastrophes, qui impliquent des projets d’infrastructure faramineux. Les coûts de l’énergie éolienne et plus encore de l’énergie solaire baissent quant à eux quasi-quotidiennement: le coût des panneaux solaire à chuté de 75% au cours des sept dernières années. Dans le même temps, le coût de l’énergie nucléaire ne cesse d’augmenter.
Le récent rapport de l’ADEME montre bien que la France peut passer à un mix énergétique 100% renouvelable, sans surcoût. Le travail de Negawatt montre également qu’il est possible de se passer de nucléaire comme de fossiles – c’est d’ailleurs déjà le cas au Danemark et au Costa Rica.
Par ailleurs, les problèmes posés sont le reflet de ceux que pose l’énergie fossile : l’extraction minière, la question de la gestion des déchets, et la centralisation du pouvoir. En outre, il n’y aurait aucune cohérence à considérer que la catastrophe nucléaire serait préférable à la catastrophe climatique. Les énergies renouvelables restent la meilleure solution pour faire face à la crise climatique.
La campagne de désinvestissement des combusibles fossiles a donc pour objectif de remplacer le charbon, le gaz et le pétrole par des énergies renouvelables, pas par de l’énergie nucléaire.
Le désinvestissement propose d’agir sur les structures qui fondent le système de dépendance aux fossiles. Les démarches s’inscrivant dans la recherche de la sobriété agissent elles au niveau de nos comportements et de nos mentalités. Elles sont pleinement complémentaires, même si elles ne s’inscrivent pas dans la même temporalité (les changements de comportements et de mentalités sont, par définition, généralement longs à généraliser).
Les fossiles sont indispensables à l’enrichissement des élites des pays pauvres. Mais la population locale ne bénéficie qu’à la marge de la rente charbonnière, gazière ou pétrolière. Surtout, les villages, communautés ou groupes vivant sur les concessions ou à proximité des infrastructures extractives subissent de plein fouet les dommages de l’industrie fossile.
Les conflits environnementaux, en Amérique du Sud notamment, autour des projects d’extraction, s’accompagnent de heurts violents entre les défenseurs de l’environnement et les autorités (voire des milices privées).
Par ailleurs, les renouvelables sont bien mieux adaptées au développement de pays pauvres que les fossiles : les fossiles nécessitent en effet de construire au préalable de nombreux infrastructures pour acheminer la matière première, la transformer, produire de l’électricité puis la distribuer. Le modèle de production d’électricité liée aux fossiles est en effet centralisé.
Les renouvelables se prêtent à l’inverse à des productions totalement décentralisées : il est possible d’installer de petites unités éoliennes ou solaires dans des endroits reculés et isolés et de les connecter à un petit réseau local. Nul besoin d’investir dans une infrastructure chère à construire et onéreuse à entretenir.
Dans certains pays, il n’est légalement pas possible de proposer, en tant qu’actionnaire, à une entreprise de prendre des décisions qui remettraient en cause son modèle économique.
En outre, nous ne disposons que d’une courte fenêtre pour tourner la page des fossiles : d’après les rapports du GIEC ou encore de l’Agence internationale de l’énergie, nous devons réduire nos émissions de 10 % par an dès maintenant, et geler tout project d’infrastructure fossile dès 2017 si nous voulons espérer tenir l’objectif des 2°C.
Les compagnies fossiles n’ont aucun intérêt à agir en ce sens : leur valorisation boursière est entièrement liée à la taille des gisements qu’elles exploitent ou exploiteront à l’avenir. Elles possèdent des réserves équivalentes à 10 ans de production (si Shell cesse demain ses forages exploratoires, la compagnie pourra continuer à extraire du pétrole au niveau actuel pendant une décennie!).
Jonathan Porritt, l’une des figures les plus influentes du mouvement environnemental au Royaume Uni, qui a été l’un des directeurs des Amis de la terre, a longuement plaidé pour des stratégies « de l’intérieur » avant de reconnaître qu’elles ne mènent à rien : après plusieurs décennies passées à les alterter et à tenter de les faires bouger de l’intérieur, il a admis que son approche n’avait rien changé. Toutes les compagnies fossiles poursuivent la fuite en avant, en multipliant les forages exploratoires et négociant de nouveaux permis d’exploiter des hydrocarbures non-conventionnels.
Il est important de bloquer les projets d’infrastructures pour les combustibles fossiles. Les centrales au charbon provoquent l’asthme et rejettent du mercure dans l’atmosphère et dans l’eau ; le liquide de fracturation peut contaminer les eaux souterraines et menacer la santé de la population ; les oléoducs peuvent fuir ; etc. La campagne de désinvestissement vient renforcer les luttes contre les projets tels que le pipeline Keystone XL (désormais gelé définitivement), l’extension des mines de charbon en Allemagne ou l’exploitation des gaz de schistes en Algérie, qui détruiraient les communautés et la planète et contribuent au changement climatique.
Mais nous attaquer à un pipeline, une centrale au charbon ou un puits de fracturation ne mettra pas un terme au réchauffement climatique. Nous devons desserrer l’étreinte des compagnies du charbon, du pétrole et du gaz sur notre gouvernement et sur les marchés financiers, de façon à avoir une chance de vivre sur une planète raisonnablement similaire à celle que nous connaissons aujourd’hui. Le désinvestissement propose de s’attaquer à la racine du problème : l’industrie des combustibles fossiles elle-même, en veillant à agir sur des facteurs qu’elle est à même de comprendre, comme le cours des actions.
350.org organise, avec de nombreux partenaires, des actions de blocage des infrastructures fossiles, dans le cadre de la campagne « Breakfree – libérons-nous des combustibles fossiles« .