2015 fut à l’évidence une année intense concernant le climat. Le mouvement pour la justice climatique a pris de l’ampleur et a gagné en vigueur, engrangeant de nombreux succès : des journées mondiales du désinvestissement (13 et 14 février), aux actions organisées en clôture de la COP 21 à Paris (12 décembre), en passant par le gel définitif du projet d’oléoduc de Keystone-XL aux États-Unis (annoncé par B. Obama le 6 novembre), le blocage d’une mine de charbon en Allemagne (15 août), la dynamique Alternatiba qui a au total rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes, ou encore les mobilisations contre les financements que les banques accordent aux projets climaticides, les mobilisations se sont multipliées au cours des 12 derniers mois.
350.org a évidemment pris activement sa part dans cette dynamique, en particulier au cours de 10 moments clefs de l’année écoulée.

2015 est donc une année qui nous a servi à construire des bases solides d’un mouvement capable d’engager la grande transition vers des sociétés justes et durables. En cela, ce fut une année d’espoir – un espoir concret et tangible : nous savons désormais que nous pouvons parvenir à mettre un terme à la destruction du climat.

C’est d’autant plus important que 2015 fut également une année extrême : les catastrophes climatiques se sont multipliées, les records de chaleurs sont tombés les uns après les autres… Au mois de décembre, la réalité a même dépassé les fictions les plus improbables : les températures enregistrées au pôle Nord étaient jusqu’à 50°C supérieures aux normales saisonnières.

Nous devons donc poursuivre nos mobilisations et nos engagements, avec une détermination intacte. L’accord adopté en décembre à Paris, à l’issue de la COP21 nous ouvre potentiellement des perspectives nouvelles. Malgré toutes ses imperfections – elles sont bien évidemment nombreuses – il reconnaît enfin qu’il est indispensable de maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C – et il fait de cet objectif un plafond, non un plancher, puisqu’il mentionne la nécessité de tendre vers les 1,5°C.

Voici donc quelques perspectives que nous vous proposons pour 2016, qui constituent autant d’occasion de nous retrouver et de contribuer à construire, ensemble, ce vaste mouvement pour la justice climatique.

1/ L’accord de Paris ne doit pas rester lettre morte. Maintenir le réchauffement global sous la barre des 1,5°C est le seul objectif acceptable, donc réaliste. Il est indispensable que cette partie de l’engagement de l’accord de Paris, la plus forte, devienne incontournable (donc réellement contraignante) pour les États, les collectivités locales, les entreprises, les institutions internationales, etc.
Mais un accord ne règle rien en soi. L’accord de Paris vient ainsi clôturer plusieurs cycles de négociations étalés sur deux décennies. Voilà plus de 20 ans que la communauté internationale négocie un plan « universel » de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, sur la même période, ces émissions ont augmenté de plus de 60% (soit la croissance la plus historique la plus forte). Nous sortons donc de deux décennies extrêmement paradoxales : plus la communauté internationale négociait un accord de réduction des émissions de gaz à effet de serre, plus ces émissions augmentaient.
Il ne s’agit évidemment pas d’une relation de causalité, mais d’un rappel extrêmement important : en politique, les mots (même lorsqu’ils ont un statut théoriquement contraignant) ont deux destins. Ils peuvent rester lettre morte, ou devenir performatif. Les prophéties ne s’auto-réalisent jamais. Elles sont construites, pas à pas.
L’accord de Paris deviendra ce que nous en ferons. Et nous savons que l’enjeu est trop sérieux pour abandonner ce devenir aux seuls États.

2/ Desmond Tutu fait depuis longtemps le parallèle entre l’apartheid et le changement climatique. L’apartheid n’a en effet pas pris fin parce qu’au bout de 20 ans de négociations, une Convention cadre des Nations unies sur la lutte contre le régime d’apartheid a adopté un texte reconnaissant son caractère inacceptable et demandant à l’Afrique du Sud d’y mettre un terme.
Le régime d’apartheid a cessé grâce aux mobilisations et luttes sociales et politiques, en Afrique du Sud, et la solidarité internationales des mouvements sociaux, syndicaux et associatifs qui ont contraint les États à agir.
C’est de cela, également, dont nous avons besoin en matière climatique : créer les conditions politiques et sociales pour que les États n’aient d’autre choix que, enfin, passer à l’action pour engager la grande transition vers des sociétés justes et durables.

3/ On ne négocie pas avec les « lois » de la physique – et on le fait d’autant moins quand ces « lois » sont completées d’un accord adopté par 195 États. Pour parvenir à créer les conditions dans lesquels les États prennent, enfin, les mesures concrètes indispensables à un futur juste et vivable, le mouvement pour la justice climatique doit se développer autour de trois axes :
– les résistances (le blocage)
– la non-coopération (le désinvestissement)
– la construction (les alternatives).

Ces trois axes donnent ensemble forme à un mouvement de « désobéissance climatique ».

4/ La « désobéissance climatique » est plus légitime après Paris qu’elle ne l’était avant Paris. Nous ne nous mobilisons désormais plus en nous appuyant uniquement sur les rapports du GIEC ou de l’Agence internationale de l’énergie ou sur ce que nous savons des causes et des conséquences du réchauffement climatique. Nous le ferons désormais parce que nous prenons l’accord de Paris au sérieux et sommes déterminé.e.s à faire en sorte que son objectif clef (maintenir le réchauffement sous la barre des 1,5°C) soit tenu. Or cet objectif a des conséquences claires : le gel de tout projet d’infrastructure fossile – qu’il s’agisse de l’extraction ou de la consommation. De l’extension des mines de charbon aux nouveaux forages, en passant par Notre Dame des Landes, la donne est désormais claire : ces projets doivent être gelés.

5/ Nous agirons donc autour de 3 piliers : résister, refuser de coopérer et construire.
– résister : l’enjeu est ici de tracer les lignes rouges partout où se joue la destruction du climat et de bloquer, temporairement dans un premier temps, tous les projets climaticides. Mais la résistance se joue partout : les collectivités locales peuvent refuser l’exploitation des gaz de schistes sur leur territoire, les États peuvent s’opposer aux traités de type TAFTA et TPP.
– refuser de coopérer : la destruction du climat ne peut plus se faire en notre nom et avec notre argent. Nous devons récupérer notre capacité à peser sur les grandes décisions, en affirmant clairement que nous refusons que notre argent (privé comme public) serve à financer la destruction du climat et qu’il soit réorienté vers la transition. 2016 doit donc nous permettre d’engranger des succès plus grands encore sur le front du désinvestissement.
– construire : des villes en transition à la relocalisation de l’activité économique, en passant par la permaculture ou l’habitat léger, les initiatives préfigurant une société juste et durable ne manquent pas. D’Alternatiba aux initiatives liées à la décroissance, les formes de mise en réseau sont nombreuses. L’enjeu est de mieux ancrer ces pratiques dans le mouvement pour la justice climatique, donc de les lier aux dynamiques de résistance et de non-coopération.

Ces trois axes rythmeront l’année de 350.org – en lien avec nos partenaires et alliés.
Vous pouvez d’ores et déjà inscrire la semaine du 7 au 15 mai dans vos agendas : avec de nombreux partenaires, nous organiserons partout dans le monde des actions coordonnées et simultanées de blocage d’infrastructures fossiles – si vous souhaitez en savoir plus, merci de vous inscrire.

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